Joker : Folie à deux

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Ce film s’ouvre de manière surprenante avec une animation illustrant la personnalité décomposée d’Arthur, que l'on devine narcissique et schizophrénique. Bien que cette introduction puisse sembler déroutante et potentiellement superflue, elle place néanmoins le spectateur dans une dimension troublante et psychédélique, typique de l’esprit du personnage.

Je suis ravie de constater que le film conserve l’essence du premier volet. En abordant les abus et les humiliations qu’Arthur subit en milieu psychiatrique, le film ne fait que refléter les failles de notre système de santé mental. La scène de rasage, tout particulièrement, révèle l'indifférence institutionnelle, renforçant cette impression qu’il n’est qu’un objet de mépris pour ceux qui devraient, au contraire, lui offrir un soutien humain. Ce mépris découle d’une incompréhension fondamentale de la part "humaine" d’Arthur, ici rendue vulnérable et presque éteinte.

Le jeu de lumière, que certains pourraient percevoir comme de simples effets visuels, symbolise en réalité la lutte intérieure de cet homme fragile. C’est lorsque la douleur d’Arthur atteint son paroxysme que la personnalité du Joker surgit pour le protéger d’un monde implacable. Quant aux séquences de chant, de danse et de théâtralisation, elles s’intègrent parfaitement dans cette perspective : loin d’être des éléments incongrus, ce sont des échappatoires fantasmatiques, une bouffée d’air dans la folie.

La critique portée sur l'aspect musical du film, quant à elle, me semble injustifiée. Ces scènes musicales, qui s’apparentent davantage à des séances de musicothérapie, incarnent le penchant théâtral d’Arthur. C’est un spectacle certes étrange, mais c’est ce que le film nous annonce d’emblée ; et pour ceux qui comprennent la souffrance d’Arthur, ces passages sont poignants.

En ce sens, ce film devient une véritable épreuve pour ceux qui ressentent encore de l' "humanité". Arthur est tout simplement humain, un être désespérément "normal" qui, dans un contexte social ou familial plus sain, aurait pu avoir une vie radicalement différente.

Quant à sa performance vocale, dire qu'il "chante mal" est absurde : il est avant tout un acteur et jamais un chanteur. Peu importe si certains trouvent sa voix discordante, l'authenticité de son jeu dépasse ces considérations.

Enfin, j’ai regretté l'absence du personnage de Harleen Quinzel dans son rôle initial de psychiatre. Elle est ici dépeinte davantage manipulatrice que comme l'amoureuse fascinée par un homme perçu comme dangereux. Ce film, au fond, n'illustre pas un psychopathe en puissance, mais un individu qui aurait pu être sauvé, l'homme qui a lancé le mouvement "Joker".

En somme, ce Joker est magistral.

(La scène finale évoque d’ailleurs avec brio la potentielle "naissance" du Joker de Ledger, concluant cette exploration psychologique avec une intensité rare.)